Etudier les poussières désertiques et leurs mélanges en Afrique australe et aux hautes latitudes
L'Afrique australe est la plus importante source mondiale d'émission d’aérosols de feux de biomasse, contribuant à environs 50% des émissions mondiales. Elle compte également pour environ 2300 Mg T an-1 aux émissions de poussières désertiques, environ 5% des émissions annuelles mondiales, du même ordre de grandeur que des sources reconnues comme l’Arabie et les déserts de l'Asie de l'Est (Ginoux et al., 2012). Les principales sources de poussière minérale sont le Makgadikgadi Pan au Botswana et l'Etosha Pan en Namibie, mais aussi les nombreux lits de rivières desséchés et le désert du Namib le long de la cote namibienne identifiées grâce à l’imagerie MODIS (Vickery et al., 2013). La méconnaissance des effets radiatifs de ces panaches a poussé le thème à mener des études sur ces régions.
Pour étudier ces poussières régionales, leur variabilité, et leurs effets, nous avons mis en place une nouvelle station de mesure à long-terme des aérosols, le Henties Bay Aerosol Observatory au SANUMARC Research Centre de l’Université de Namibie à Henties Bay (22°S, 14°E). En complément, le LISA a été PI du projet Aerosols, Radiation and Clouds in southern Africa, (AEROCLO-sA) qui visait l’étude des interactions aérosols-nuages-rayonnement dans l’Atlantic Sud-Tropical. AEROCLO-sA et qui s’est appuyé sur différentes campagnes de terrain. D’autre part, les poussières émises par maintes zones sources de la Namibie, en Afrique Australe, peuvent jouer un rôle majeur dans la formation des stratocumulus marins et dans la productivité marine de l’océan Atlantique et de l’océan Austral. Ainsi, nos recherches au cours des cinq dernières années ont exploité les prélèvements d’échantillons sur le site côtier d’Henties Bay (HBAO), en Namibie, dans le cadre du programme LIA ARSAIO du CNRS (resp. sc. : H. Bencherif, LACy) et de la thèse de D. Klopper (co-encadrement North-West University, Afrique du Sud). Le transport de poussières à ce site récepteur est fréquent (environs 20 épisodes majeurs sur une période de deux ans) sans préférence saisonnière, et la composition élémentaire est caractérisée par des fortes teneurs en calcium, et en fluorure, vraie particularité minéralogique des sols parents (Klopper et al., 2020). Cette étude a été complétée par les expériences conduites dans CESAM dans le cadre d’un deuxième programme TNA Eurochamp (resp. sc. : N. Mattielli, ULB, Belgique ; coll. J. King, Univ. Montreal, Canada). Ce programme a permis d’étudier la minéralogie des poussières émises par les sources côtières de la Namibie, supposées être les plus actives en termes de matériel mobilisé et de solubilité. La signature isotopique de ces poussières est la même que celle de poussières déposées dans la partie orientale de l’Antarctique, démontrant l’impact à grande échelle des poussières namibiennes (Gili et al., 2022). La mobilisation de l’instrument national PEGASUS au cours des campagnes de terrain des projets AEROCLO-sA et AEROFOG en Namibie permet de conforter ces résultats et d’étudier plus dans le détail les propriétés d’intérêt climatique.
Afin d’étudier les nouvelles sources émergentes d’aérosols désertiques, des expériences dans la chambre de simulation CESAM (programme Transnational Access TNA Eurochamp ; coll. Z. Shi, Univ. Birmingham, Royaume-Uni) ont été réalisées. Ces expériences ont permis de montrer que la minéralogie des poussières émises par les zones sources islandaises est significativement différente de celles de sources des latitudes moyennes, notamment pour ce qui concerne la minéralogie des oxydes de fer (Baldo et al., 2020). De ce fait, la capacitéd’absorption de la lumière dans le spectre UV/Vis de ces poussières est élevée, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur la durée de vie de la couverture nuageuse et des glaciers (thèse C. Baldo co-encadrement Univ. Birmingham ; Baldo et al., 2023). Les différences minéralogiques, en particulier le contenu élevé en fraction amorphe et des minéraux riches en calcium, déterminent aussi pour les poussières islandaises une absorption spectrale très différente dans l’IR quand on compare à celle des poussières de moyenne latitude, mettant en évidence une signature spécifique et un potentiel impact radiatif IR important pour des sources de haute latitude.