Erosion et émissions depuis les zones semi-arides
Ces activités sont pilotées par le souci de mieux décrire les émissions naturelles et anthropiques des zones semi-arides, régions où ces émissions devraient le plus fortement évoluer dans le futur en raison des effets combinés du changement climatique et de l’utilisation croissante des terres pour des besoins agricoles.
Une attention particulière a donc été portée aux développements et à la validation de paramétrisations spécifiques permettant de décrire les flux d’érosion sur des surfaces agricoles [Kardous et al., 2005 a et b ; Labiadh et al., 2013] ou sur des surfaces végétalisées non homogènes [Bowker et al., 2007]. Par ailleurs, la présence fréquente de végétation saisonnière, liée à l’existence d’une saison des pluies bien marquée, nécessite de mettre en oeuvre des approches de modélisation spécifiques permettant de reproduire les modifications des propriétés de surface (rugosité, taux de couverture) liées à la dynamique de la végétation.
Au Sahel, une telle modélisation dynamique de la végétation herbacée a été réalisée en utilisant une version adaptée du modèle STEP (Sahelian Transpiration, Evaporation and Productivity model, Mougin et al., 1995). Les caractéristiques de la végétation simulée ont été validées puis converties en rugosité de surface. Les émissions de poussières ont alors pu être simulées en prenant en compte les effets d’inhibition des émissions liés à la fois à l’humidité des sols et à la végétation saisonnière herbacée (Thèse C. Pierre 2010, Pierre et al., 2012). Ce travail s’est poursuivi dans le cadre de l'ANR CAVIARS visant à évaluer l'impact des conditions climatique et de l'agriculture sur l'érosion éolienne au Sahel au cours des 50 dernières années. Une attention particulière a été portée à la paramétrisation de la décroissance du couvert herbacée au cours de la saison sèche (Pierre et al. 2015, 2022).
Par ailleurs les suivis initiés dans le cadre du programme AMMA pendant les campagnes de court et long terme (SDT devenu le SNO INDAAF) ont permis d’obtenir une relation empirique robuste utilisée pour prendre en compte l’effet des pluies et de l’humidité des sols sur les émissions : celles-ci sont annulées quelle que soit l’intensité du vent depuis le début de la pluie jusqu’à 12 heures après la fin de la pluie (Bergametti et al. 2016).
Déterminants météorologique en zone sahélienne
Sur la base de plus de 10 années de mesures continues de la vitesse du vent, de la pluviométrie et des concentrations de PM10 effectuées dans deux stations sahéliennes du Service National d’Observation (SNO) INDAAF à haute résolution temporelle (5 minutes), nous avons examiné comment la vitesse du vent, la pluie et la végétation interagissent pendant la saison humide (i.e., quand les émissions de poussières sont maximales) pour contrôler la concentration de poussière. Nous avons montré sur la base de 1000 événements pluvieux, que les vitesses de vent les plus élevées sont corrélées à l'intensité des « cold pools » associés aux systèmes convectifs de méso-échelle (MCS) (Bergametti et al., 2022). Les plus intenses de ces évènements sont observés pendant la période de pré-mousson (∼mai à juin) lorsque la moyenne troposphère est encore suffisamment sèche pour permettre une évaporation intense de la pluie et donc un fort refroidissement de l’atmosphère qui renforce l’intensité des cold pools. C’est également la période de l’année où la surface est la moins protégée par les résidus végétaux. Les résultats montrent donc clairement que la fréquence des vitesses de vent élevées est plus importante au début de la saison des pluies et constitue le principal facteur d'émission de poussières au Sahel central. Une part significative de ces vitesses de vent les plus élevées se produit avant ou juste au début d'un événement pluvieux, ce qui permettrait à une grande partie des poussières émises d'être transportées à l'avant de la pluie et d’échapper au lessivage humide. Néanmoins, comme nous l’avons montré dans le cadre du projet LEFE-CHAT DATSHA en étudiant 880 évènements de dépôt, ceci n’empêche pas, les précipitations associées aux cold pools de contrôler très majoritairement (66 à 81% selon la station) les dépôts humides de poussières au Sahel central (thèse T. Audoux ; Audoux et al., 2022). Ces résultats suggèrent que tant que les modèles de poussières ne parviendront pas à représenter correctement les MCS, il sera difficile d'obtenir des estimations fiables des émissions de poussières depuis le Sahel, et ce tant pour les scénarios actuels que futurs.
Influence des surfaces : usages et pratiques
L’influence des usages des sols en zone semi-aride a été précisé dans le cadre de l’ANR CAVIAR grâce au suivi pluriannuel de 3 types de surface, à l’est du Niger : un sol nu dunaire, un champ cultivé, un parcours (Abdourhamane Touré et al. 2019). Le sol nu représente bien le potentiel érosif maximal du vent et les sols cultivés en mil sont plus érodables que les parcours où les flux ne sont pas nuls à la différence des jachères de l’ouest du Niger (Figure 1). Des suivis similaires dans le sud tunisien ont confirmé l’impact déterminant des usages des sols sur les flux (Labiadh et al. 2023)
Figure 1 : Flux d’érosion mesurés sur un champ de mil et un parcours à l’est du Niger de 2012 à 2015 (d’après Abourhamane Touré et al., 2019, projet ANR CAVIARS).
Au Niger, on note également une forte variabilité de l’érosions sur le champ cultivé. Ceci s’explique vraisemblablement par les différentes pratiques de culture qui peuvent être mises en œuvre pour un même usage. Ainsi, à partir des nouvelles paramétrisations du modèle adapté aux zones semi-arides, Pierre et al. (2018) ont mis en évidence le rôle clef des pratiques sur l’intensité des flux (Figure 2).
Figure 2 : Flux d’érosion simulés en fonction des pratiques agricoles(culture du mil) au Niger de 2000 à 2018 (d’après Pierre et al., 2018, projet ANR CAVIARS). Les variations liées aux pratiques agricoles, représentées par les box-plots (flèches vertes), sont du même ordre de grandeur que celles liées à la variation des régimes de vents de 2006 à 2012 (flèche rouge).
Le rôle des usages et des pratiques est actuellement abordé dans le cadre de plusieurs projets de recherches en cours ou soumis (ANR JCJC LANDWIND [2022-2025] ; IMPATERS [2022-2024] ; EU MISS-SOIL-01-03 [soumis]).