Observer l’évolution temporelle des propriétés des poussières au cours du transport

En absence de précipitations, le temps de transport moyen des poussières dans l’atmosphère est de 5 à 10 jours. Elles peuvent ainsi atteindre des zones très éloignées de leurs sources d’émission, comme l’Europe ou les Amériques, et affecter le climat global. Au cours de ce transport, les propriétés des aérosols désertiques sont modifiées par dépôt (sec et humide), mais également par l’altération chimique sous l’effet de la condensation d’espèces gazeuses ou le mélange avec d’autres espèces particulaires.


La complexité du réacteur atmosphérique ne permet pas toujours de séparer l’effet de ces processus. De ce fait, les observations de terrain documentent généralement de l’évolution globale au cours du transport à grande échelle plutôt que du résultat d’un processus spécifique. Elles revêtent dans ce sens d’une valeur indéniable car elles témoignent de l’importance des effets du vieillissement au cours du transit atmosphérique de l’aérosol. Par leur réalisme mais aussi en représentant « l’effet net » des processus atmosphériques, elles sont susceptibles de guider les études de processus en chambre de simulation.

 

Grâce à des nombreuses observations en avion et au sol menées par le LISA, plusieurs projets historiques (ChArMEx, Dust-Attack) ont permis d’étudier l’évolution de la distribution granulométrique au cours du transport en atmosphère, illustrée sur la figure 1 pour le cas de la Méditerranée.

 

Figure 1 : Distributions en tailles des particules obtenues dans les couches de poussières pendant ChArMex : (a) distribution en nombre, (b) distribution en volume et (c) distribution en volume normalisée par le volume total. En (a) et (b), les distributions sont classés en fonction de l'altitude: > 3 km d'altitude (rouge) ; entre 1.5-3 km asl (bleu) ; et < 1 km (vert). L'ombrage représente le minimum et le maximum tout au long de la campagne. En figure (c), la moyenne (ligne noire), les distributions minimales et maximales de taille normalisée (ombrage gris) observées au cours de la campagne sont comparées aux observations pendant les campagnes aéroportées AMMA (ligne rouge, Formenti et al. , 2011), FENNEC (ligne bleue, Ryder et al., 2013) et SAMUM1 (ligne verte, Weinzierl et al., 2009), ainsi qu'avec des mesures à la région du Cap-vert au cours de la campagne SAMUM-2 (ligne verte clair, Weinzierl et al., 2011). La courbe AMMA (Formenti et al., 2011) est limitée à 0.3 pm car il n'y avait pas de mesure en dessous de cette taille au cours de la campagne.

 

Le diamètre modal du mode grossier de la distribution granulométrique en nombre se situe entre 1.3 et 2.0 µm, indifféremment de l'altitude. Cela indique que les couches de poussière transportées sur le bassin méditerranéen sont bien mélangées. A l'inverse, une diminution avec l'altitude de la concentration des grosses particules de poussière a été observée pour la poussière du Sahara fraîchement soulevée. La concentration du mode grossier montre une grande variabilité d’un vol à l’autre. La comparaison avec les données « historiques » de campagnes de terrain en zone source (AMMA, FENNEC et SAMUM-1) montre néanmoins une bonne correspondance des modes grossiers.

 

Plus récemment, des études de processus ont été menées pour évaluer l’effet du vieillissement chimique au cours du transport atmosphérique. Cette activité a été abordée au cours des projets CLIMDO, INVOC-dust et RED-DUST-sim. En particulier, le projet CLIMDO étudie l’interaction hétérogène de poussières désertiques depuis le désert du Gobi avec l’un des composés organiques volatiles parmi les plus importants pour la chimie atmosphérique, le glyoxal. Les travaux de thèse de F. Battaglia se sont concentrés sur la description de la dynamique du processus d’interaction, et à sa dépendance aux conditions environnementales, notamment l’irradiation et l’humidité relative. Ces travaux montrent que, quand l’humidité relative ambiante dépasse 30%, le glyoxal en phase gazeuse se condense sur les poussières pour former des espèces acides et des oligomères, qui peuvent changer les propriétés optiques et l’hygroscopicité des poussières.